Civic tech, données et Demos : une exploration des interactions entre démocratie et technologies

11 décembre 2019

La CNIL publie son septième cahier Innovation et prospective qui explore les enjeux de données personnelles et libertés dans les relations entre démocratie, technologie et participation citoyenne. Il propose des pistes pour construire des modèles de civic tech vertueux respectueux des droits des individus et des fondements de la démocratie.

La montée de l’abstention, l’affaiblissement des corps intermédiaires ou encore le rejet de la professionnalisation du personnel politique sont autant de symboles de la crise de légitimité du fonctionnement démocratique de nos sociétés. Ce contexte de défiance institutionnelle a accéléré l’émergence des technologies civiques (civic tech). Cet écosystème de services et outils divers a pour objectif de renforcer l’engagement, la participation citoyenne et démocratique.  Il redessine aussi le rapport entre débat public et engagement privé, représentation directe et nouvelles formes d’expression démocratique.

La participation politique par le biais des technologies numériques soulèvent des enjeux de données personnelles et de protection de la vie privée alors que le débat investit de nouveaux espaces (réseaux sociaux, plateformes associatives, etc.). Comment construire des modèles vertueux respectueux des droits des individus et des fondements de la démocratie ?

Entre tech et Demos, des liens anciens qui mènent aux civic tech

Ce cahier IP explore les enjeux éthiques et les questions de société soulevés par les liens entre technologies et représentation politique. Il revient tout d’abord sur ces relations étroites et prégnantes dans l’imaginaire d’Internet au travers des usages politiques dans les mouvements militants des années 90, des dispositifs de démocratie électronique et de l’émergence de la civic tech. Il met aussi en garde contre les tentations solutionnistes.

Les technologies civiques ne sont en effet pas neutres. Les choix techniques et économiques des promoteurs des civic tech ont des conséquences sur la confiance et l’adhésion des citoyens à ces formes de participation politique. Des simples données d’identification aux opinions politiques, les civic tech recueillent un nombre important d’informations personnelles particulièrement sensibles. Il est dès lors crucial que la finalité de leur usage soit clairement définie et qu’elles ne soient réutilisées à des fins politiques ou économiques. Les modalités techniques de collecte et d’analyse de données influent elles aussi sur la réussite du processus. Alors que la collecte de certaines informations personnelles peut être nécessaire pour, par exemple, limiter certains biais de représentativité de la consultation, il reste nécessaire que l’expression politique puisse s’effectuer anonymement – ou sous pseudonyme – pour préserver les libertés individuelles. Enfin, l’usage d’algorithmes de classement et/ou d’analyse des contributions impacte les modalités du débat et de ses résultats : rendre visible et expliciter les choix sur lesquels reposent les technologies civiques sont des garanties démocratiques essentielles.

Des pistes de recommandations pour que civic tech rime avec confiance

Pour que les civic tech prennent leur place dans le champ démocratique à long terme, ce cahier IP propose des pistes de recommandations pour garantir un environnement de confiance qui permette à chacun de pouvoir exercer sa citoyenneté dans le respect de ses droits et libertés.

  • Les acteurs de ce que l’on appelle l’écosystème civic tech auraient tout à gagner à s’appuyer sur les  principes et obligations du RGPD (finalité, exactitude, proportionnalité et pertinence, limitation des durées de conservation, sécurité et confidentialité, droits des personnes), comme autant de leviers pour susciter la confiance des citoyens envers les technologies civiques.
  • Ils pourraient aller plus loin en se fédérant pour harmoniser leurs pratiques et aller vers la co-construction d’un code de conduite tel que défini par le RGPD.
  • Les institutions publiques devraient éviter de faire des réseaux sociaux les instances officielles de la participation, pour conserver une forme de souveraineté et éviter toute dépendance vis-à-vis d’entreprises dont elles ne maîtrisent pas le modèle.
  • Des canaux alternatifs d’expression et de mobilisation politique doivent être maintenus, y compris des dispositifs présentiels qui peuvent s’hybrider avec les formes de participation en ligne, notamment dans un objectif d’inclusion. De nouvelles modalités de participation peuvent ainsi être explorées.

Les technologies civiques sont des laboratoires de la citoyenneté numérique qui doivent participer à la promotion d’une véritable culture citoyenne du numérique, respectueuse de la vie privée.